vendredi 4 février 2011

Mon Égypte



Mon Égypte, comment te raconter ma passion?

Je ne sais plus aligner les mots, si ce n’est une impression, une douceur, l’espace d’un souvenir, une lueur, le temps d’un désir.

Je t’ai connue il y a quelques années. Ton premier visage austère m’a un peu rebuté.

Cette masse uniforme m’a laissé interloqué.

Excepté tes taxis noir et blanc, ce n’est pas l’Égypte que j’ai connue dans les livres, les films et les feuilletons. Mais c’est bien une Égypte vivante, attrayante, sensuelle, sublime que tu offres au regard à force de pénétrer dans tes recoins, rues et foyers.

Tu es généreuse malgré ta pauvreté,

Splendide malgré tes rides,

Belle et fière malgré tes cicatrices.

Alexandrie est une cité d’or qui ne dort jamais. Traverser ses rues est un art bien local, manger dans ses resto populaires est un privilège. Sa lumière blanche me fait voir ma Méditerranée bien aimée. Sa côte est limpide malgré la densité et ses habitants ne lui tournent pas le dos malgré la morosité. Ses couples s’approprient la longue corniche et se pavanent en amoureux. Un romantisme plane dans l’air. Ses cafés sont mon univers, sa bibliothèque, joyau de l’humanité, m’envoûte.

Le Caire est orgueilleux, ses pyramides, gardées par des chameaux sous policiers en mitraillettes, sont indétrônables, mais pas ses Pharaons.

Ses rues encombrées laissent libre cours à l’anonymat, ses marchés colorés exhalent le parfum des mangues, du karkadi et des harankach. Son musée est un infini, un abîme historique sublime, une descente aux paradis. Ses momies vous regardent et vous laissent pantois.

Les cabarets des Saoudiens sont légion et les danseuses, loin de ressembler à celles de tes films, Égypte, sont de latex déshabillées. Plus on leur lance de l’argent, plus leur déhanché s’accentue et plus la foule exulte. Un spectacle pour les gens du Golfe dont le corps de la femme est un haut lieu de l’infâme.

Égypte! Qu’elles sont belles tes façades, couleur-terre, mais jamais ternes, tantôt ocres, tantôt jaunes. Tes checkpoints m’ont un peu intrigué, mais tes habitants ne peuvent circuler en toute liberté. J’étais plus libre qu’eux parce qu'étranger. Quelle aberration! Un Alexandrin de 18 ans m’a confié que son rêve était de visiter la mer Rouge. Je me suis senti mal en lui disant que j’y irais. La même sensation m’a envahi quand ta police a voulu me laisser passer avant la centaine d’étudiants qui faisaient la file pour entrer à la Bibliotheca Alexandrina. Mais je ne t’en ai pas voulu. Je savais que tu n’y étais pour rien.

Cap sur le Sud, cette immensité sans merci, ce cloître infini où s’étendent, à ma droite, le sable d’un désert rougeâtre parsemé ça et là de puits de pétrole et d’éoliennes russes; à ma gauche, l’eau limpide et foisonnante de la mer rouge.

Égypte! Tu sais être toi-même et différente, ouverte et fermée, crainte et désirée à la fois.

Ton Sud est muet, mais son silence est parlant. Ses gens ont l’air résignés, mais savent où aller.

Comment te raconter ma fierté quand un gardien, pensant que j’étais égyptien, m’a refusé l’entrée de l’hôtel. À ce moment-là, j’aurais voulu lui dire que je l’étais, mais je savais que ce n’était pas de sa faute, ni la tienne non plus.

En échange de quelques guenihs, un policier a proposé de garder mes valises le temps d’aller prendre un café. Il fait des heures supplémentaires à sa manière et je ne pouvais pas lui en vouloir.

Égypte, tu me manques et ta blessure aujourd’hui me bouleverse. Tu cries, je sais, tu veux briser tes chaines, je sais, et c’est douloureux. Il faut le faire, il est temps que tu accouches d’une nouvelle Égypte, car tes pharaons t’ont trop malmenée et tu as besoin de te recréer. Ça va faire mal, mais tu ne te porteras que mieux, crois-moi et je reviendrai te voir avec ton nouveau né.

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