mardi 7 juillet 2009

Chien gayouri


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Un an de blogging déjà. J'en profite pour réchauffer un plat que j'ai posté à mes débuts:


PS: D'après ma petite expérience de blogging, j'ai constaté que plusieurs lecteurs prennent tout au premier degré. Alors je le dis, avec le recul, le texte que vous allez lire comporte beaucoup d'ironie et d'autodérision, inutile de chercher la haute trahison nationale ni le rejet des origines.


Chien gaiouri

Chien gaiouri, chiens arabes

Le chien du couple de touristes allemands a de plus en plus du mal à circuler parmi la foule démente,
à se faufiler entre les jambes de la marée humaine qui déferle sur le trottoir où sont jonchées les étales des échoppes de l’artisanat, les attrape-touristes.
Le chien, essoufflé, essaie d’accélérer, traîne parfois, gêné par ces gens bruyants et par cette foule tonitruante.

Il n’en peut plus, la canicule lui brûle la tignasse, c’est du jamais vu.
Ici, tout est différent, les odeurs, la chaleur, le manque d’eau, les mouvements, etc.
Il est stressé, mais de peur de perdre ses maîtres, il prend son courage entre ses pattes et tente de tenir le coup.

Tout d’un coup, le pire arrive.
La dame échappe la laisse, et le chien se perd dans la foule.
Il jappe par petits coups, mais semble déjà loin.
Il se met à courir, mais ne prend pas la bonne direction pour se retrouver, quelques rues plus loin, dans un coin vide.

Il y a bien trop d’odeurs pour qu’il puisse détecter celles de ses maîtres.
Epuisé et découragé, mais surtout apeuré, il se cache derrière une grosse poubelle exhalant une odeur nauséabonde qui lui fait oublier le parfum de son shampooing et l’odeur de sa loge enrobée de satin dans lequel il avait l’habitude de se rouler avec le plus grand plaisir.

Soudain, deux chats dont un sans queue surgissent de la poubelle et bondissent à ses côtés.
Le plus gros des chats, un matou, le lorgne et lui montre ses dents. Le chien, effrayé, recule et pousse un petit cri de secours.
Le chat avance et le chien comprend le message. Il faut qu’il dégage de là.
Il n’est pas sur son territoire. Alors, il court, il court, lâche ses pattes au vent malgré l’exténuation, jusqu’à ce qu’il atterrisse dans un hangar abandonné.
Là, il peut se reposer en toute paix. Mais le calme ne dure pas longtemps.

A peine ferme-t-il les yeux, qu’un aboiement terrifiant retentit dans ce terrain vague.
Il ouvre les yeux et son cœur bondit et faillit s’arracher de sa loge.
Quatre chiens très maigres mais coriaces l’entourent.
Ils le regardent en se demandant ce que peut bien être ce genre d’animal.
C’est comme un chien sans l’âme d’un chien.
Le chef du groupe est un mâtin borgne qui perdit un œil lorsqu’il sauta sur la fesse d’un homme en short, le mordit et ne voulait pas le lâcher, les gens vinrent et un d’entre eux qui portait une carabine à oiseaux lui tira un coup.
Personne n’avait compris pourquoi le chien attaqua avec hargne le pauvre monsieur. Certains disaient qu’il serait atteint de rage, d’autres arguaient que le monsieur l’avait peut-être provoqué, mais il y en eut un, un vieux professeur de philosophie, qui attestait d’une crise existentielle canine.
Ce borgne s’avance à pas décidés et fait le tour de la bête apeurée de voir de telles créatures qui sentent fort et dont le regard lui transperce la rétine.
Le chien arabe s’approche de lui d’un coup et commence à lui renifler le derrière.
Les choses se sont déroulées très vites.
Les quatre chiens ont tiré leurs coups et abandonné le pauvre touriste pour repartir d’où ils sont venus, c’est-à-dire la rue.

Le chien allemand a du mal à avancer, c’est bien la première fois qu’une telle situation lui arrive.
Castré, ce dernier n’a jamais connu les plaisirs de l’amour et les chiens arabes ne savaient pas trop s’ils avaient affaire à un mâle ou à une femelle, mais étant donné qu’ils ne voulaient pas se couper les poils en quatre, ils se sont vidés les calebasses comme il faut.

Deux jours passent, et le chien allemand essaie tant bien que mal de trouver où passer la nuit sans se faire attaquer par la foule de gamins qui jouent sans arrêt, ni par les chats, chiens, rats et toutes sortes d’animaux bizarres et sauvages.
Mais le pire est encore à venir. Deux gamins, en plein midi, il fait 45 degrés à l’ombre, tracent le chien qu’ils trouvent différent.
Kelb gaiouri ! Un chien occidental, crient les gamins tous contents de trouver quelque chose d’exotique.
Ils ont trouvé leur cible idéale et commencent à tirer des coups de pierres avec leurs élastiques coincés entre le pouce et l’index.
Le chien reçoit les coups et essaie de courir de plus en plus vite, mais à la fin, un coup l’atteint à l’oreille gauche et le fait sonner.
Une blessure profonde lui jonche l’arrière du lobe auriculaire.
La douleur est insupportable mais le chien ne songe qu’à se cacher pour éviter d’autres blessures.
Il finit par se terrer derrière un réfrigérateur abandonné et rouillé jusqu’aux os, mais les gamins réussissent à le retrouver. Soudain, surgi de nulle part, le chien borgne grommelle et fait mine d’attaquer les deux gamins qui prennent la fuite sans se retourner.

Une semaine est passée et le chien allemand commence à s’habituer à son nouveau milieu et à ses nouveaux compagnons, les quatre chiens.
Un matin, deux messieurs s’approchent du quartier général des chiens errants en tenant des cages en bois et des bâtons.
Les chiens prennent la fuite et le dernier à courir est le chien allemand qui finit par tomber dans les mains des deux chasseurs.
Ces derniers le ramènent à ses maîtres et empochent la récompense.

Malgré la blessure, la saleté du chien et son regard absent, le couple de touristes est aux anges et ne cesse d’embrasser leur enfant chéri.
Mais à peine la dame le pose-t-elle sur le sol que ce dernier prend la fuite pour rejoindre ses amis et retrouver la rue et ses odeurs…