jeudi 25 septembre 2008

On ne tue pas facilement un Arabe



Yamina Benguigui vient de sortir un nouveau documentaire intitulé 9/3, Mémoire d’un territoire dans lequel elle retrace l’histoire de ce quartier mis à l’écart, de ce no man’s land multiculturel et où la tension avec le centre, Paris, la ville des lumières, est toujours à son comble. Le mot mémoire cache dans ses plis le mot identité. Et je suis persuadé que l’identité au 9/3 est plus qu’ailleurs revendiquée, clamée haut et fort à défaut d’être reconnue et considérée comme une valeur culturelle. Elle est tout au plus prise pour un amas de résidus collés à une haine à tout va. Cette identité particulière des banlieues parisiennes m’a transporté au printemps dernier où j’ai croisé, dans un resto du vieux Québec, l’écrivain Rachid Djaïdani, lui-même issu du 9/3. Après l’avoir rencontré au salon du livre l’après-midi, le voilà qui me fait signe et m’invite à sa table. Il était content de parler à un frangin (comme il le disait). Nous avons passé plus de deux heures à discuter de tout, mais surtout d’identité. Et l’identité est son champ de bataille, une identité de banlieusard, mais surtout d’écrivain qui a la rage d’exprimer son parcours de maçon, de boxeur, d’acteur (La haine, Ma 6T va craquer) et d’écrivain au Seuil, s’il vous plait (Boumkoeur, Viscéral). Il m’a parlé de sa situation inédite, un Français de père algérien et de mère soudanaise, un Arabe noir français, pas facile à gérer. Et en sortant, il a mis son gros manteau de peur d’attraper froid. Je l’ai un peu taquiné sur sa frilosité de touriste et il m’a répondu sur un ton vif et déterminé (tranchant même) : « On ne tue pas facilement un Arabe ». Cette phrase m’a fait réfléchir et là, le synopsis de 9/3, Mémoire d’un territoire l’a fait resurgir de ma mémoire pour me dire combien, malgré tout ce cafouillage identitaire, malgré ce tumulte socio-politique, il existe toujours un port d’attache et une revendication existentielle : on ne tue pas facilement un Arabe. Le puzzle se remet en place et je comprends mieux le sens profond de cette phrase qui fait contrepoids au meurtre commis par Meursault dans L’étranger de Camus.

4 commentaires:

  1. trés beau texte;
    trés apaisant!
    merci:)

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  2. Un titre aguicheur....
    Je croyais que t'allais parler de Karim Achoui(actu oblige), mais tant mieux cet arabe lo lo il est "ben correc" ;)

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  3. Ton texte est touchant Ale. On ne tue pas facilement celui qui connait sa valeur.

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  4. Merci pour le compliment; votre blog est intéressant.

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