mercredi 24 septembre 2008

Les sauvages et les civilisés



J’ai eu le plaisir de regarder, la semaine passée, deux films du réalisateur camerounais Bassek Ba Kobhio en présence de ce dernier. À regarder les deux films, Le silence de la forêt et Le grand blanc de Lambaréné, à écouter le cinéaste parler, à discuter avec lui à plusieurs reprises pendant toute la semaine, je peux dire que j’ai appris beaucoup de choses. Il ne s’agit pas d’informations, mais des choses qui ne se transmettent qu’au contact de la personne qui vous investit et vous change sur le plan intellectuel.

Je peux allègrement dire que la rencontre m’a enrichi et m’a changé. La discussion a amené un son différent de la rengaine de certains intellectuels africains et arabes qui se lamentent de l’oppression de l’Autre et de la main basse de ce dernier sur eux, cet autre mythique qu’ils ont érigé aux rangs d’un dieu oppresseur. Bassek Ba Kobhio, lui, est un intellectuel cinéaste sincère qui sait interroger la réalité et l’histoire et nuancer, en toute quiétude, notre rapport à l’Autre. Il ne tente pas de gommer cette altérité constitutive et voit, de ses yeux de cinéaste, au-delà des préceptes idéologiques, au-delà des binarismes (sauvages/civilisés, bons/méchants, etc.), les différentes facettes de cet Autre, ce personnage ambigu et difficile à saisir qui peut aussi bien être le docteur Albert Schweitzer ou n’importe quel autre qui n’est autre qu’un soi différent. Le message est clair, personne ne doit être l’objet d’étude de quelqu’un d’autre au risque de se voir dérober sa personnalité et de n’être qu’un paraître, un ensemble composite de folklore mal agencé. L’Autre est à prendre et à comprendre dans sa force comme dans sa faiblesse, dans sa complexité et sa sagesse comme dans sa naïveté et ses paradoxes, parce qu’il faut penser l’Autre comme un Soi différent (pour reprendre à l’envers la parole de Paul Ricoeur : « Soi-même comme un autre ».

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