samedi 8 janvier 2011

Louage, discours du président et vérité

Il y a quelques années déjà, je prenais le louage de Tunis en direction de Kélibia. Nous n’étions pas loin d’une dizaine de personnes et le chauffeur avait allègrement réglé la fréquence FM sur la nouvelle station de radio de laquelle une musique pop de tous bords était diffusée, quand, tout à coup, tout fut interrompu par les nouvelles. Et après quelques phrases déclamées d’une façon dynamique qui reflétait le style de la station, la voix du président prit place pour une diffusion intégrale de son discours. Je sentis, à ce moment-là, le malaise du chauffeur qui n’osait ni changer de station ni baisser le volume de peur d’être dénoncé par un des passagers. Ce qui me fit penser à des discussions avec des amis roumains qui vécurent sous l’ère Ceauşescu et qui me racontaient le climat de surveillance, de peur et de méfiance qui régnait au sein même de la famille. Quelques minutes passèrent comme des siècles et, exaspéré par ce discours monotone et surtout par la vacuité des phrases récitées, je pris la décision d’agir. Je demandai alors gentiment au chauffeur, mais à haute voix, puisque j’étais assis en arrière, de baisser le son. Ce dernier me jeta un regard mêlé de crainte et de délivrance, comme pour dire à tout le monde qu’il n’était aucunement responsable de cet acte et il baissa le volume jusqu’à ce qu’il fût à peine audible. Cependant, tout le long du trajet, personne ne prononça un mot et le chauffeur n’osa plus toucher sa radio comme si elle était électrifiée. En arrivant à Kélibia, les passagers se pressèrent de descendre et deux d’entre eux se mirent dans un coin derrière la voiture de louage et prirent soin de bien me dévisager. Cette scène-là me revient aujourd’hui, et je me pose la question si, dans l’état actuel des choses, un tel geste aurait autant d’impact sur l’esprit des gens ou pas.

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