Ils auraient
pu être chrétiens, tatoués, féministes, sikhs, communistes, gays,
juifs, vegans, blonds, animistes, roux, noirs, artistes, petits,
capitalistes, gros, bouddhistes, transgenres, etc. mais ils étaient
musulmans. Ils se mettaient « à quat' paêttes » en direction
d'une pierre noire, laissaient libre cours à une pilosité faciale
et leurs épouses se couvrent le chef pour des raisons
métaphysico-sexuelles. C'est tombé sur eux car c'est en vogue. Ils
incarnaient à ce moment-là le danger, l'antéchrist, la menace à
éliminer manu militari. Ils sont les juifs du XXIè siècle.
On les accuse de semer la zizanie dans une société «tranquille»
et «homogène», de comploter pour imposer leurs valeurs «barbares»
et de planifier une prise de pouvoir. Leur coran est devenu le
nouveau Protocoles des sages de Sion.
Pourquoi
écrire un énième texte sur le sujet? Pour deux raisons :
Parce que l'un d'eux, reposant entre la vie et la mort, est un ami de
longue date et puis, au lieu de dire que c'est un acte isolé, que
l'ignorance en est la cause, etc. il faut se dire les vraies choses.
Le Québec,
le Canada, les États-Unis et la France ne sont pas plus évolués
comme sociétés que l'Afghanistan, le Nigéria ou la Tunisie.
L'État, les institutions et les lois, eux, le sont, mais pas les
citoyens et ce peu importe leur niveau d'instruction, de culture et
leur situation socioéconomique. De Trump à Bissonnette, en passant
par Martineau, Rioux, Benhabib, Fillion, Le Pen, Mailloux, etc. la
haine se propage et le réflexe est le même. C'est le réflexe d'un
chimpanzé pour qui la présence d'autres primates menace la cohésion
du groupe.
Maintenant,
la question qui se pose est la suivante : Pourquoi les
musulmans?
Parce qu'à
cause d'un contexte international complexe, d'une conjoncture
géopolitique nébuleuse et destructrice, on les réduit à un
souffre-douleur.
Je vous
raconte ma propre expérience dans la ville de Québec où j'ai passé
une quinzaine d'années (Je ne pense pas que Québec soit plus
raciste que les autres villes).
À cause
d'un nom islamique, d'un faciès «ethnique» et d'une langue
gutturale, j'ai vécu des expériences de racisme indélébiles. Il
s'agit d'actes isolés certes, mais à raison de deux à trois actes
isolés par année, je ne sais pas si on peut toujours parler
d'isolement. Il y a indéniablement un fond commun qui les relie.
Les pires
humiliations ont été proférées par quelques professeurs de
l'université Laval. Les pires insultes l'ont été par des jeunes,
gars ou filles, les menaces l'ont été par des individus lambdas.
J'ai reçu des menaces de mort à cause d'une émission de radio que
j'animais. On m'a dit de retourner chez moi dans le désert avec les
chameaux parce que je faisais du vélo hors piste cyclable. Je ne
parle pas des remarques désobligeantes des agents de sécurité de
l'université Laval qui vérifiaient mon identité pour me laisser
entrer dans mon bureau le soir en me taquinant sur Ben Laden, «mon
oncle», ni des coups de coude reçus de douchbags dans les boîtes
de nuit et les insultes lors de la St-Jean.
Faut-il
garder une rancune de tout cela? Certainement pas. S'agit-il de mon
quotidien? Non. Est-ce que cela m'empêche d'apprécier les gens
équilibrés, ouverts et généreux? Surtout pas. Alors pourquoi
évoquer tout cela? Pour ne pas banaliser ces actes isolés et pour
arrêter d'être dans le déni. Oui, c'est une société raciste
comme toutes les sociétés. Mais ici, c'est un état de droit. Alors
ces actes isolés, en les banalisant, tendent à proliférer, mais en
les sanctionnant par la loi, ils ne peuvent que se contraindre à se
phagocyter. Je ne demande pas aux racistes de m'aimer. Ils ont le
droit de ne pas aimer ma gueule car c'est réciproque. Rien qu'à
voir le portrait de l'innommable qui a commis l'attentat terroriste
de la mosquée me donne la nausée. Cachez ce visage odieux, ce
regard insipide, plein de haine et de frustration! Reste dans ta
tanière et ne viens pas sur mon chemin me cracher ta haine car mon
mépris pour toi est encore plus fort!
Si le
raciste ne diffusait pas sa haine dans les médias; ne discriminait
pas les candidats à un emploi ou à un logement et n'agressait pas
ceux qui différaient de lui, il n'y aurait pas de problème. On ne
peut quand même pas le guérir de cette maladie incurable! Il faut
juste le contenir loin de la source allergène et le sanctionner s'il
nuit à autrui. Ainsi, les sbires de PKP, les Martineaux et cie
finiraient peut-être par comprendre que lorsqu'on est allergique aux
poissons, ethniques de surcroît, on ne s'acharne pas à crier du
matin au soir que le poisson est dégueulasse et que c'est une menace
pour la santé. On se contente de l'éviter ou on se rabat sur le
poisson local, le bar rayé, meilleur nous dit-on que le barbare
«insipide» venu d'ailleurs...
Je souhaite
voir le jour où ces prêcheurs de la haine – de tous bords –
soient tellement isolés dans leur délire qu'ils soient fuis comme
des pestiférés. En attendant ce jour-là, je continue à leur vouer
mon mépris le plus sincère...