jeudi 2 mars 2017

Allergie aux poissons ethniques



Ils auraient pu être chrétiens, tatoués, féministes, sikhs, communistes, gays, juifs, vegans, blonds, animistes, roux, noirs, artistes, petits, capitalistes, gros, bouddhistes, transgenres, etc. mais ils étaient musulmans. Ils se mettaient « à quat' paêttes » en direction d'une pierre noire, laissaient libre cours à une pilosité faciale et leurs épouses se couvrent le chef pour des raisons métaphysico-sexuelles. C'est tombé sur eux car c'est en vogue. Ils incarnaient à ce moment-là le danger, l'antéchrist, la menace à éliminer manu militari. Ils sont les juifs du XXIè siècle. On les accuse de semer la zizanie dans une société «tranquille» et «homogène», de comploter pour imposer leurs valeurs «barbares» et de planifier une prise de pouvoir. Leur coran est devenu le nouveau Protocoles des sages de Sion.

Pourquoi écrire un énième texte sur le sujet? Pour deux raisons : Parce que l'un d'eux, reposant entre la vie et la mort, est un ami de longue date et puis, au lieu de dire que c'est un acte isolé, que l'ignorance en est la cause, etc. il faut se dire les vraies choses.

Le Québec, le Canada, les États-Unis et la France ne sont pas plus évolués comme sociétés que l'Afghanistan, le Nigéria ou la Tunisie. L'État, les institutions et les lois, eux, le sont, mais pas les citoyens et ce peu importe leur niveau d'instruction, de culture et leur situation socioéconomique. De Trump à Bissonnette, en passant par Martineau, Rioux, Benhabib, Fillion, Le Pen, Mailloux, etc. la haine se propage et le réflexe est le même. C'est le réflexe d'un chimpanzé pour qui la présence d'autres primates menace la cohésion du groupe.

Maintenant, la question qui se pose est la suivante : Pourquoi les musulmans?
Parce qu'à cause d'un contexte international complexe, d'une conjoncture géopolitique nébuleuse et destructrice, on les réduit à un souffre-douleur.

Je vous raconte ma propre expérience dans la ville de Québec où j'ai passé une quinzaine d'années (Je ne pense pas que Québec soit plus raciste que les autres villes).
À cause d'un nom islamique, d'un faciès «ethnique» et d'une langue gutturale, j'ai vécu des expériences de racisme indélébiles. Il s'agit d'actes isolés certes, mais à raison de deux à trois actes isolés par année, je ne sais pas si on peut toujours parler d'isolement. Il y a indéniablement un fond commun qui les relie.
Les pires humiliations ont été proférées par quelques professeurs de l'université Laval. Les pires insultes l'ont été par des jeunes, gars ou filles, les menaces l'ont été par des individus lambdas. J'ai reçu des menaces de mort à cause d'une émission de radio que j'animais. On m'a dit de retourner chez moi dans le désert avec les chameaux parce que je faisais du vélo hors piste cyclable. Je ne parle pas des remarques désobligeantes des agents de sécurité de l'université Laval qui vérifiaient mon identité pour me laisser entrer dans mon bureau le soir en me taquinant sur Ben Laden, «mon oncle», ni des coups de coude reçus de douchbags dans les boîtes de nuit et les insultes lors de la St-Jean.

Faut-il garder une rancune de tout cela? Certainement pas. S'agit-il de mon quotidien? Non. Est-ce que cela m'empêche d'apprécier les gens équilibrés, ouverts et généreux? Surtout pas. Alors pourquoi évoquer tout cela? Pour ne pas banaliser ces actes isolés et pour arrêter d'être dans le déni. Oui, c'est une société raciste comme toutes les sociétés. Mais ici, c'est un état de droit. Alors ces actes isolés, en les banalisant, tendent à proliférer, mais en les sanctionnant par la loi, ils ne peuvent que se contraindre à se phagocyter. Je ne demande pas aux racistes de m'aimer. Ils ont le droit de ne pas aimer ma gueule car c'est réciproque. Rien qu'à voir le portrait de l'innommable qui a commis l'attentat terroriste de la mosquée me donne la nausée. Cachez ce visage odieux, ce regard insipide, plein de haine et de frustration! Reste dans ta tanière et ne viens pas sur mon chemin me cracher ta haine car mon mépris pour toi est encore plus fort!

Si le raciste ne diffusait pas sa haine dans les médias; ne discriminait pas les candidats à un emploi ou à un logement et n'agressait pas ceux qui différaient de lui, il n'y aurait pas de problème. On ne peut quand même pas le guérir de cette maladie incurable! Il faut juste le contenir loin de la source allergène et le sanctionner s'il nuit à autrui. Ainsi, les sbires de PKP, les Martineaux et cie finiraient peut-être par comprendre que lorsqu'on est allergique aux poissons, ethniques de surcroît, on ne s'acharne pas à crier du matin au soir que le poisson est dégueulasse et que c'est une menace pour la santé. On se contente de l'éviter ou on se rabat sur le poisson local, le bar rayé, meilleur nous dit-on que le barbare «insipide» venu d'ailleurs...
Je souhaite voir le jour où ces prêcheurs de la haine – de tous bords – soient tellement isolés dans leur délire qu'ils soient fuis comme des pestiférés. En attendant ce jour-là, je continue à leur vouer mon mépris le plus sincère...