© Alé Abdalla
Atterrissage sec, bouffée de chaleur charriant une canicule
agréable à mon cœur. Fruits excessivement chers, taxistes maugréant, Burkinis
mauves moulants, haleines de cheval, fumeurs entassés dans les cafés malgré la
circulaire, raisins exquis, poisson frais, épaule contre épaule au marché
central, interminables Klaxons, pickpockets tailladant les sacs à mains,
graffitis contre graffitis, guerre idéologique, ponts décapés de leur couleur mauve, drapeaux géants remplaçant le portrait du pharaon gominé, présence formelle de flics,
chiens errants, odeurs de pisse et de naphtaline, visages tannés et traits
alourdis par le temps, bourgeois méfiants et barricadés, mendiantes avec bébés
somnolents, bolides qui passent à 180 à l'heure, piétons sur la chaussée,
voitures sur le trottoir, balafrés se tripotant la bite à chaque passage
clitoridien, barbus se tripotant la barbe pour se rapprocher de dieu, touristes
perplexes devant le jeûne imposant, rues désertes à l'approche de la rupture,
lecture de coran diffusée à tue-tête hors des mosquées, Taxiste mélomane
courtois, majestueuse méditerranée légèrement plissée, voyous en bande, jeunes
femmes engantées, morceaux de verre polis par les vagues éternelles,
détritus jonchant les rochers, plats exaltants, fou rire, crise de
nerfs, à l’approche de la rupture, tout le monde se terre.
Plage,
haut lieu social où trébuchent toutes les pratiques. Deux heures avant la
rupture : des jeunes jouent au beach-ball; une mère jette la couche de son
bébé juste à côté; n’eut été l’amortissement du sable, la couche aurait rebondi
et serait venue s’installer confortablement sous mon parasol. Une famille
d’Allemands se prélasse au soleil en regardant leurs enfants construire des
châteaux de sable; deux quadragénaires bedonnants sortent lentement de l’eau
dans un geste bien rodé afin d’économiser le plus d’énergie et de tuer le temps
qui reste avant de se remplir la panse; une jeune mère en petite robe
transparente, qui laisse voir un bikini rose, excite ainsi au passage les
quelques yeux baladeurs. Elle est venue avec son esclave, une jeune femme aussi
dans la fin vingtaine toute habillée. Elle lui laisse son bébé et part se
baigner, revient, reprend le bébé et repart dans l’eau. La boniche-esclave se
met instantanément debout et les surveille comme un chien qui monte la garde.
Il n’est pas question de se baigner, elle est en service. Régulièrement, elle
lance des regards furtifs vers la famille d’Allemands. Elle cherche peut-être à
changer de propriétaire, qui sait. Un jeune couple d’Italiens passe, main dans
la main, la fille porte bien un mini-bikini laissant paraitre des fesses parfaites.
Deux grosses femmes voilées la lorgnent avec haine, puis font mine de regarder
dans le vide, mais dans la même direction, comme si le vide pour elles se
situait au même endroit.
La plage
se vide des femmes, à mesure que l’heure de la rupture approche. Les connasses
consentantes, des êtres réellement inférieurs aux hommes comme le mentionne le
texte sacré auquel elles adhèrent sans broncher, partent préparer le festin.
Les pères continuent à jouer avec leurs fils. Un couple profite de la désertion
en masse pour se rapprocher plus dans l’eau. Le calme règne désormais sur la
plage. L’ordre divin d’aller manger est tombé. La plage est magnifiquement
calme, la mer est majestueusement vierge. Un moment paradisiaque qui ne dure
qu’une heure, le temps que le troupeau ingurgite les bricks, chorbas, loubias
et pastèques. Les bedonnants reprennent leur marche encore plus lourde
désormais. Les gamins ressortent, les couches sont jetées, les bouteilles de
plastique aussi, les emballages de toute sorte de pourriture. Il est temps de
partir.